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Massacre des Indiens Chiapas

d'aprés les dépêches Agence France Presse et Reuters
du 23 au 31 décembre 1997


mardi 23 décembre 1997,

mercredi 24 décembre 1997,

jeudi 25 décembre 1997,

vendredi 26 décembre 1997,

samedi 27 décembre 1997,

dimanche 28 décembre 1997,

mardi 30 décembre 1997,


Le mardi 23 décembre 1997,

25 Indiens massacrés au Chiapas par des paramilitaires liés au pouvoir

par André Birukoff

MEXICO, 23 déc (AFP) - Vingt-cinq Indiens ont été massacrés au Chiapas - bastion de la guérilla zapatiste - lors d'une violente attaque de paramilitaires du Parti Institutionnel Révolutionnaire (PRI, au pouvoir) compliquant ainsi une reprise du dialogue entre la guérilla et les autorités.

Cette attaque - la plus violente réalisée par des paramilitaires depuis l'apparition en janvier 1994 de la guérilla zapatiste - a eu lieu lundi à l'intérieur d'une école et d'une église dans la localité de Chenalho proche de San Cristobal (à 1200 km au sud-est de Mexico), a annoncé mardi le vicaire du diocèse de San Cristobal, Gonzalo Ituarte précisant qu'il y avait également "un nombre indéterminé de blessés".

"Neuf membres de ma famille ont été tués", a raconté à la radio privée Info-Red, Ernesto Mendes un Indien tzotzile, témoin du massacre. "Les "priistes" (membres du PRI) sont arrivés et ont commencé à tirer. Ca a duré plus de cinq heures, ça n'arrêtait pas, ça n'arrêtait pas", a-t-il ajouté.

Le vicaire Gonzalo Ituarte a également rapporté des scènes d'horreur indiquant notamment qu'il avait vu "des femmes abattues avec leurs enfants rampant sur leurs cadavres".

Les victimes, des Indiens tzotziles, appartenant à un groupe pacifiste, s'étaient réfugiés depuis quelques jours dans la localité d'Atenal, à 50 km de San Cristobal, après avoir reçu des menaces de mort, selon Gonzalo Ituarte qui a reproché aux forces de l'ordre de n'être pas intervenues alors qu'elles étaient présentes sur les lieux du massacre.

De son côté, l'évêque de San Cristobal, Samuel Ruiz, principal négociateur entre la guérilla et le gouvernement pour le conflit du Chiapas, et qui récemment a mis en garde contre un possible "bain de sang" dans la région, a lui aussi accusé les autorités de laxisme.

"Ce massacre, a-t-il dit, était une action violente annoncée". "Dans cette guerre, contrairement à ce qui se passe dans les autres conflits, il n'y a pas de trève de Noël", a-t-il ajouté.

Pour leur part, les autorités ont observé un profil bas et le procureur du Chiapas, Marco Antonio Besares, tout en confirmant que des actes de violence avaient eu lieu, s'est contenté d'indiquer qu'il ne disposait pas de données précises.

Depuis plusieurs semaines des paramilitaires du PRI pourchassent des groupes d'Indiens du Chiapas soupçonnés de sympathiser avec la guérilla de l'EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale), dirigée par le sous-commandant Marcos.

Fin novembre dernier la situation s'est brusquement tendue quand des paramilitaires ont assassiné six sympathisants de la guérilla et incendié plusieurs demeures d'Indiens zapatistes.

Ces actions punitives ont même provoqué un début d'exode d'Indiens victimes de la violence des paramilitaires et près d'un millier d'entre eux ont fui les principales zones de conflits.

La dernière attaque des paramilitaires du PRI complique sérieusement, selon les analystes, une éventuelle reprise du dialogue entre les zapatistes et le gouvernement alors que depuis un an les discussions sont dans l'impasse, les autorités refusant en particulier de céder à une demande de l'EZLN d'obtenir l'autonomie pour les communautés indiennes du Chiapas.

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Chiapas-Plus de 40 morts dans une offensive paramilitaire

MEXICO, 23 décembre, Reuters - Des unités paramilitaires mexicaines ont tué plus de quarante Indiens dans l'Etat méridional du Chiapas, au cours d'une violente attaque qui a également fait une trentaine de blessés, ont rapporté mardi responsables et dirigeants locaux.

"C'est un massacre injustifiable, il faut que quelqu'un intervienne", a déclaré Patricia Marina, du Centre Bartholomé de Las Casas pour les droits de l'homme.

Selon des témoins, les paramilitaires ont attaqué des Indiens lundi vers midi dans la localité d'Acteal, à 70 km environ au nord de San Cristobal de las Casas, la capitale de l'Etat, ouvrant le feu à l'aveuglette sur les hommes, les femmes et les enfants.

Qualifiant les événements de tragiques, le procureur général du Chiapas, Marco Antonio Bezares, a dit à la radio nationale que l'on faisait état de plus de quarante morts.

Un dirigeant autochtone, Manuel Perez Vasquez, a déclaré à Reuters que l'on déplorait 43 morts et de nombreux blessés.

D'après certaines informations, les Indiens prenaient part à une messe quand l'attaque a eu lieu, et beaucoup ont cherché refuge dans des écoles ainsi que dans une église.

"C'est le massacre le plus épouvantable qu'on ait commis au Chiapas depuis le soulèvement de 1994", a dit Domingo Perez Palencia, président du conseil municipal de la région rebelle de Chenalho, où a été opérée l'attaque.

Selon des informations non confirmées, les victimes étaient des partisans de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), qui s'était révélée en déclenchant le 1er janvier 1994 une violente insurrection contre le pouvoir central, dont le bilan officiel est de 140 morts.

Depuis lors, des opérations paramilitaires ont eu lieu par intermittence au Chiapas, où des éléments armés passant pour être appuyés par des propriétaires terriens et des hommes politiques régionaux sont accusés de s'en prendre aux villageois qui soutiennent l'EZLN.

Nombre d'Indiens ont déserté leurs villages pour les hauteurs du nord de l'Etat au risque de s'exposer à la faim et aux maladies. Certains n'excluent pas que les victimes de l'attaque de lundi soient des partisans du mouvement zapatiste ayant déjà fui des violences ailleurs au Chiapas.

Des témoins ont parlé d'un spectacle "dantesque" à l'Hôpital de la Salubridad de San Cristobal, débordé par un afflux de femmes et d'enfants blessés et hurlants.

"C'est outrageant, je ne sais pas combien de morts il y aura encore dans cette guerre", a déclaré le père Gonzalo Ituarte Icario, secrétaire de la Commission nationale de médiation du gouvernement mexicain.

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Des paramilitaires massacrent au moins 45 Indiens au Chiapas

par Jesus Ramirez

MEXICO, 23 décembre, Reuters - La Croix-Rouge mexicaine a annoncé mardi qu'au moins 45 Indiens, essentiellement des femmes et des enfants, avaient été massacrés la veille par des unités paramilitaires dans la province méridionale du Chiapas.

Selon des témoins, les paramilitaires ont fait irruption lundi vers midi dans la localité d'Acteal, à 70 km environ au nord de San Cristobal de Las Casas, la capitale de l'Etat, ouvrant le feu à l'aveuglette sur les hommes, les femmes et les enfants.

Mauricio Rosas, président de la Croix-Rouge dans la capitale chiapanèque a déclaré à Reuters que l'attaque avait aussi fait des dizaines de blessés.

Les équipes de la Croix-Rouge "ont quitté Acteal à 04h00 du matin en emmenant 45 corps, ceux de neuf hommes, 21 femmes, 14 enfants et un bébé", a-t-il dit au téléphone. "C'est une véritable tragédie."

Les organismes de défense des droits de l'homme, les organisations non gouvernementales et l'Eglise ont unanimement condamné cette tuerie.

"C'est un massacre injustifiable, il faut que quelqu'un intervienne", a déclaré Patricia Marina, du Centre Bartholomé de Las Casas pour les droits de l'homme.

"C'est outrageant, je ne sais pas combien de morts il y aura encore dans cette guerre", a dit pour sa part le père Gonzalo Ituarte Icario, secrétaire de la Commission nationale de médiation.

Greenpeace a envoyé une lettre au président mexicain Ernesto Zedillo dans laquelle l'organisation se dit "indignée par le sang versé. Nous sommes indignés par l'impunité des groupes paramilitaires. Nous sommes indignés par la crainte de reconnaître les droits des populations indigènes".

Le porte-parole du président Zedillo, Fernando Lerdo de Tejada a déclaré que celui-ci "rejetait complètement et absolument ce type de violence". "Le gouvernement fédéral ordonnera une enquête complète et approfondie sur les événements et les responsables seront punis", a-t-il dit au téléphone à Reuters.

Ernesto Zedillo voit également dans ce massacre une "raison profondément triste" pour reprendre aussi vite que possible les pourparlers entre le gouvernement et les rebelles de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), visés par le massacre, ajoute-t-il.

Le PRI au pouvoir mis en cause

D'après certaines informations, les Indiens assistaient à une messe quand l'attaque a eu lieu, et beaucoup ont cherché refuge dans des écoles ainsi que dans une église.

"C'est le massacre le plus épouvantable qu'on ait commis au Chiapas depuis le soulèvement de 1994", a dit Domingo Perez Palencia, président du conseil municipal de la région rebelle de Chenalho, où a été opérée l'attaque.

Selon des informations non confirmées, les victimes étaient des partisans de l'EZLN, qui s'était révélée en déclenchant le 1er janvier 1994 une violente insurrection contre le pouvoir central, dont le bilan officiel est de 140 morts.

Depuis lors, des opérations paramilitaires ont eu lieu par intermittence au Chiapas, où des éléments armés passant pour être appuyés par des propriétaires terriens et des hommes politiques régionaux du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au pouvoir sont accusés de s'en prendre aux villageois qui soutiennent l'EZLN.

Le président national du PRI, Mariano Palacios Alcocer a nié toute implication de son parti dans le massacre, critiquant les "expications simplistes" données à celui-ci.

Mais le Front mexicain pour les droits de l'homme a estimé que le gouvernement régional du Chiapas, aux mains du PRI, devrait être jugé pour toutes les violences commises dans cet Etat.

Et le Parti de la révolution démocratique (PRD), première formation d'opposition, a estimé que cette tuerie démontrait l'urgence d'une reprise en main par Zedillo des dirigeants régionaux de son Parti.

Nombre d'Indiens ont déserté leurs villages pour les hauteurs du nord de l'Etat au risque de s'exposer à la faim et aux maladies. Certains n'excluent pas que les victimes de l'attaque de lundi soient des partisans du mouvement zapatiste ayant déjà fui des violences ailleurs au Chiapas.

Des témoins ont parlé d'un spectacle "dantesque" à l'Hôpital de la Salubridad de San Cristobal, débordé par un afflux de femmes et d'enfants blessés et hurlants.

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Le mercredi 24 décembre 1997,

Massacre d'Indiens par des paramilitaires au Chiapas

par Jesus Ramirez

ACTEAL (Mexique), 24 décembre, Reuters - Des unités paramilitaires ont abattu 45 Indiens sans défense, essentiellement des femmes et des enfants, dans la province méridionale du Chiapas, a annoncé mardi la Croix-Rouge.

Il s'agit du massacre le plus sanglant au Mexique depuis la rébellion zapatiste de janvier 1994. La plupart des victimes étaient des sympathisants des Zapatistes.

Les unités paramilitaires ont lancé leur attaque lundi peu avant midi, tirant pendant cinq heures à l'arme automatique, ont rapporté des survivants près du village d'Acteal, à 750 km au sud-est de Mexico.

Selon les survivants, les attaquants étaient des militants connus du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) du président Ernesto Zedillo.

Ce dernier est intervenu mardi à la télévision pour condamner le massacre et dire qu'il avait ordonné "qu'aucun effort ne soit épargné pour identifier et punir les coupables de ce crime".

Il a aussi annoncé que l'enquête serait menée par le Parquet fédéral et non par le Parquet du Chiapas, une procédure exceptionnelle réservée aux crimes les plus graves.

Il a conclu en disant que les meurtres apportaient une "raison très triste mais très forte" de relancer les négociations entre le gouvernement et les rebelles zapatistes qui ont été rompues en septembre 1996. Les exactions d'unités paramilitaires n'ont cessé de s'intensifier depuis.

Le président du PRI, Mariano Palacios Alcocer, a pour sa part rejeté toute implication de sa formation dans le massacre et a condamné les "explications simplistes" données sur celui-ci.

 Spectacle dantesque

"Lorsque les tirs ont commencé, nous avons couru vers la rivière et nous avons tenté de nous cacher dans les buissons mais les attaquants nous ont poursuivis en tirant sur tout le monde", a raconté à Reuters un survivant, Manuel Perez Vazquez, 40 ans.

"Ils ont tué beaucoup de femmes et d'enfants. Ils ont achevé tous ceux qui gisaient par terre, blessés".

Mauricio Rosas, président de la Croix-Rouge dans la ville voisine de San Cristobal de las Casas, a confirmé à Reuters que l'organisation avait recensé 45 morts, "neuf hommes, 21 femmes, 14 enfants et un bébé".

Des témoins ont fait état d'un spectacle "dantesque" à la clinique Salubridad de San Cristobal de las Casas dont les couloirs souillés du sang des blessés retentissent des gémissements de femmes et d'enfants.

Le directeur de l'hôpital, Francisco Millan Velasco, a dit à Reuters qu'au moins 13 blessés par balles avaient été amenés dans son établissement dont une fillette de quatre ans dans le coma, le crâne défoncé par une balle, et un petit garçon à la machoire arrachée.

Les raisons de l'attaque restent obscures. Il y a eu ces dernières semaines des affrontements violents dans la région entre partisans des Zapatistes et paramilitaires soutenus par le PRI.

Fin novembre, plusieurs milliers d'Indiens se sont réfugiés

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Le Mexique en état de choc, le gouvernement vivement critiqué

par André Birukoff

MEXICO, 24 dec (AFP) - Le Mexique était en état de choc mercredi après le massacre d'au moins 46 Indiens au Chiapas - bastion de la guérilla zapatiste dans le sud du pays - tandis que les autorités étaient critiquées tant par l'opposition que par l'Eglise pour n'avoir ni prévenu, ni empêché le drame.

"L'heure de la démission d'Emilio Chuayffet (le ministre de l'Intérieur) est arrivée. C'est lui le responsable direct de ce qui se passe au Chiapas", a ainsi déclaré l'un des ténors de l'opposition, Porfirio Munoz Ledo, leader du groupe parlementaire du Parti de la révolution démocratique (PRD, centre-gauche).

"Depuis le mois d'octobre le ministre Chuayffet savait que les groupes paramilitaires se multipliaient au Chiapas", a déclaré pour sa part, Mgr Raul Vera, évêque coadjuteur de San Cristobal, l'une des principales villes du Chiapas, à 1.200 km au sud-est de Mexico.

L'Eglise et diverses organisations humanitaires non-gouvernementales ont rendu responsables du massacre lundi à Chenalho, un village proche de San Cristobal, d'au moins 46 Indiens, des paramilitaires liés au Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, au pouvoir depuis 68 ans).

Aux critiques internes contre le gouvernement se sont ajoutées celles de l'étranger avec en particulier les Etats-Unis qui dès mardi soir ont exigé une enquête rapide tandis que l'Union Européenne a condamné le massacre "de la façon la plus vigoureuse".

Niant toute responsabilité, les autorités ont annoncé l'arrestation de quatre personnes et proposé aux guérilleros de l'EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) de relancer des négociations interrompues depuis un an.

Dès mardi soir, le président Ernesto Zedillo dans un message spécial à la Nation a estimé que le massacre, qualifié "d'acte criminel cruel, absurde et inacceptable", était une raison pour "lancer un nouvel appel au dialogue, à la réconciliation et à la paix au Chiapas".

Relayant le président, le ministre de l'Intérieur Emilio Chuayffet, a indiqué mercredi qu'il allait multiplier les efforts pour que des discussions puissent reprendre dès janvier tout en promettant une réforme de la Constitution pour que les droits des Indiens du Chiapas soient reconnus.

Le gouvernement mexicain "respectera sa parole", a dit le ministre.

Depuis un an les négociations entre les zapatistes et les autorités sont au point mort, le gouvernement refusant notamment de céder à une demande de des zapatistes d'obtenir l'autonomie pour les communautés indiennes du Chiapas.

Les nouvelles propositions du gouvernement n'avaient suscité mercredi aucune réaction de la guérilla dont le chef suprême, le sous-commandant Marcos, gardait toujours le silence plus de 24 heures après le massacre de Chenalho.

La presse mexicaine a de son côté rapporté dans le détail le déroulement de l'attaque des paramilitaires, survenu à la veille de Noël et au cours duquel des femmes, des adolescents et des enfants ont été sauvagement assassinés.

"La guerre s'est installée parmi nous" a titré le quotidien d'opposition "La Jornada" tandis que le journal indépendant "La Cronica" a affirmé que le massacre au Chiapas était "l'un des plus cruels dans l'histoire moderne du pays".

C'est "une honte pour tous les Mexicains", a ajouté "La Cronica".

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Le jeudi 25 décembre 1997,

Veillée funèbre au Chiapas

par Caroline Brothers

POLHO (Mexique), 25 décembre, Reuters - Quelque 200 parents et amis ont participé à une veillée funèbre, mercredi à Polho, une petite ville du Chiapas, dans l'attente de l'arrivée des corps des 45 victimes du massacre perpétré lundi par des unités paramilitaires mexicaines.

Des hélicoptères gouvernementaux survolaient la localité où s'étaient rassemblés les paysans indiens Tzotzil des villages voisins, non loin de la ville coloniale de San Cristobal de las Casas, capitale du Chiapas, Etat du sud du Mexique.

Mais en dépit des promesses du général Jorge Madrazo, ministre de la Justice, qui avait laissé espérer en début de journée des arrestations imminentes, les autorités mexicaines n'avaient encore annoncé officiellement aucune interpellations mercredi soir.

Le programme d'information Hechos de TV Azteca a néanmoins rapporté en citant le cabinet du ministre que 16 suspects étaient interrogés.

Les enquêteurs "m'ont dit qu'ils recherchaient des personnes bien précises dont ils ont le nom et le prénom", a dit le général Madrazo qui doit donner jeudi une conférence de presse, tout comme le gouverneur du Chiapas, Julio Cesar Ruiz Ferro.

Les survivants ont rapporté que le massacre, dans lequel ont péri 21 femmes et 14 enfants, avait été perpétré par environ 25 hommes masqués et vêtus de bleu. Ils ont mis en cause des unités paramilitaires appuyées par le Parti révolutionnaire institutionnel du président Ernesto Zedillo.

 Population indignée

Une grande partie de la communauté indienne a passé la veillée de Noël cachée, craignant de nouvelles attaques.

"Ils se sont enfoncés dans la montagne, a expliqué Maria Isabel Lopez Zamorra, une religieuse de la ville voisine de Pantelho qui prépare une messe de Noël spéciale à la mémoire des victimes.

Dans d'autres communautés du Chiapas, des paysans et des enfants aux pieds nus se tiennent au bord de la route, brandissant des banderoles sur lesquelles on peut lire: "Nous demandons le châtiment des agresseurs paramilitaires" ou encore "Le sang indien obtiendra la reconnaissance des droits des pauvres gens".

Le président Zedillo a condamné le massacre et il a ordonné à des enquêteurs fédéraux de se rendre au Chiapas pour faire la lumière sur la tragédie et désamorcer les tensions entre les Indiens, les guérilléros zapatistes et les unités paramilitaires appuyées par les propriétaires et des politiciens locaux.

Cette initiative n'a guère calmé la population locale, indignée de ce le gouvernement n'aie pu garantir sa sécurité en dépit d'une importante présence militaire remontant au soulèvement de janvier 1994 de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN).

Le sous-commandant Marcos, dirigeant zapatiste, a imputé la responsabilité directe du massacre "à Ernesto Zedillo et au ministère de l'Intérieur qui, il y a deux ans, ont donné le feu vert à l'armée pour la contre-insurrection".

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Le gouvernement propose la paix, le sous-commandant Marcos reste méfiant

MEXICO, 25 déc (AFP) - Le gouvernement a proposé par deux fois au chef de la guérilla zapatiste, le sous-commandant Marcos, de reprendre des négociations de paix mais le leader guérillero qui a directement impliqué les autorités dans le massacre de 45 Indiens au Chiapas (sud du pays) demeure méfiant.

"Le gouvernement exhorte publiquement l'EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) à s'asseoir à la table de négociations pour résoudre le conflit", a indiqué jeudi un communiqué du ministère de l'Intérieur en ajoutant : "les Mexicains veulent la paix et le gouvernement est absolument disposé à l'obtenir".

Cette nouvelle offre est intervenue après que le ministre de l'Intérieur, Emilio Chuayffet eut proposé la veille de relancer des discussions, interrompues depuis un an, promettant même une réforme de la Constitution pour que les droits des Indiens du Chiapas soient reconnus.

Depuis un an les négociations sont dans l'impasse, les autorités refusant de céder à une demande des zapatistes d'obtenir l'autonomie pour les populations indiennes du Chiapas.

Mercredi, dans une première réaction au massacre de Chenalho près de San Cristobal (à 1.200 km au sud-est de Mexico) le chef suprême de la guérilla zapatiste, apparue au Chiapas en janvier 1994, avait directement rendu le président Ernesto Zedillo responsable du drame qui, selon un bilan officiel a fait 45 morts dont 21 femmes, 9 hommes, 14 enfants et un bébé.

"La responsabilité directe des événements sanglants repose sur Ernesto Zedillo et le ministère de l'Interieur qui depuis deux ans ont donné le feu vert au projet de contre-guérilla de l'armée mexicaine", avait dit le sous-commandant Marcos.

Toutefois, il a dans le même temps semblé laisser la porte ouverte à une éventuelle reprise du dialogue en indiquant que son mouvement était en train "d'analyser ce qui c'est passé pour prendre les décisions nécessaires et pertinentes".

Mais le sous-commandant est resté extrêmement méfiant estimant qu'en dépit des offres de paix l'intention réelle du gouvernement pouvait aussi bien être de "poursuivre la stratégie anti-guérilla"

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Le vendredi 26 décembre 1997,

Chiapas - Les rescapés du massacre enterrent leurs morts

par Caroline Brothers

ACTEAL (Mexique), 25 décembre, Reuters - Les 45 victimes du massacre du Chiapas ont été inhumées jeudi dans des cercueils tachés de sang à l'issue d'une messe de funérailles célébrée le jour de Noël.

Avant d'assister à la cérémonie, plusieurs villageois ont attaqué 15 hommes soupçonnés d'avoir participé à la tuerie de lundi perpétrée à l'arme automatique, cinq heures durant, dans un camp de réfugiés indiens tzotzils, au village d'Acteal. Les agresseurs, des éléments paramilitaires masqués, ont tué 10 hommes, 21 femmes et 14 enfants.

Les autorités ont interpellé 41 suspects aux fins d'interrogatoires, ont rapporté les médias en citant le ministre de la Justice, Jorge Madrazo Cuellar.

Selon d'autres informations, des membres du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) du président Ernesto Zedillo figurent parmi les personnes interpellées.

Des villageois qui se rendaient aux obsèques ont intercepté 15 hommes circulant en camion en les accusant de faire partie des agresseurs. Après les avoir molestés, les villageois ont remis les suspects aux autorités judiciaires locales.

"Ce sont les dirigeants de la tuerie. Ce sont les assassins de nos frères et des membres de notre famille", a affirmé Cristobal Gutierrez, un survivant.

Quelque 400 personnes ont assisté aux funérailles, pour beaucoup pieds nus, avec à la main des fleurs et des bougies.

Beaucoup brandissaient une pancarte réclamant "la justice et la prison pour les assassins des membres de notre famille".

"Ce Noël est le plus triste de notre vie. J'espère que l'espoir peut germer des graines semées par ces gens", a dit à l'assemblée l'évêque Samuel Ruiz.

Des Indiennes ont disposé des vêtements, des draps, des bougies et des chrysanthèmes dans les cercueils, une coutume destinée à préparer le défunt à son voyage dans l'au-delà.

Les prêtres ont promis d'ériger une église à l'emplacement du massacre, un endroit aujourd'hui déserté, jonché de couvertures, de sandales en plastique et de vêtements ensanglantés.

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Chiapas - Des suspects reconnaissent appartenir au PRI

par Caroline Brothers

ACTEAL (Mexique), 25 décembre, Reuters - Le procureur général adjoint Everardo Moreno a confirmé que 41 suspects avaient été interpellés aux fins d'interrogatoire sur le massacre du Chiapas qui a fait 45 victimes. Les obsèques de celles-ci ont eu lieu jeudi.

Il a confirmé qu'une partie des suspects appartenaient au Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) du président Ernesto Zedillo.

"Certains d'entre eux ont dit appartenir au PRI et d'autres au front Cardeniste", a dit le magistrat. Le front Cardeniste est un parti de gauche moins connu.

Le procureur général adjoint a par ailleurs souligné qu'il n'y avait encore eu aucune inculpation.

Il a révélé que, d'après l'examen des corps, la plupart des victimes avaient été abattues dans le dos et que, sur les 21 femmes tuées, quatre étaient enceintes.

Les 45 victimes du massacre du Chiapas ont été inhumées dans des cercueils tachés de sang à l'issue d'une messe de funérailles célébrée le jour de Noël.

Avant d'assister à la cérémonie, plusieurs villageois ont attaqué 15 hommes soupçonnés d'avoir participé à la tuerie de lundi perpétrée à l'arme automatique, cinq heures durant, dans un camp de réfugiés indiens tzotzils, au village d'Acteal. Les agresseurs, des éléments paramilitaires masqués, ont tué 10 hommes, 21 femmes et 14 enfants.

Suspects interceptés par des villageois

Les villageois, qui se rendaient aux obsèques, ont intercepté les 15 hommes qui circulaient en camion. Après les avoir molestés, ils les ont remis aux autorités judiciaires locales.

"Ce sont les dirigeants de la tuerie. Ce sont les assassins de nos frères et des membres de notre famille", a affirmé Cristobal Gutierrez, un survivant.

Quelque 400 personnes ont assisté aux funérailles, pour beaucoup pieds nus, avec à la main des fleurs et des bougies.

Beaucoup brandissaient une pancarte réclamant "la justice et la prison pour les assassins des membres de notre famille".

"Ce Noël est le plus triste de notre vie. J'espère que l'espoir peut germer des graines semées par ces gens", a dit à l'assemblée l'évêque Samuel Ruiz.

Des Indiennes ont disposé des vêtements, des draps, des bougies et des chrysanthèmes dans les cercueils, une coutume destinée à préparer le défunt à son voyage dans l'au-delà.

Les prêtres ont promis d'ériger une église à l'emplacement du massacre, un endroit aujourd'hui déserté, jonché de couvertures, de sandales en plastique et de vêtements ensanglantés.

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Le samedi 27 décembre 1997,

Chiapas - Le gouvernement mexicain défend sa politique

par Caroline Brothers

TUXTLA GUTIERREZ (Mexique), 26 décembre, Reuters - Le gouvernement mexicain a défendu vendredi sa politique au Chiapas, Etat du Sud où 45 Indiens ont été massacrés lundi, en disant qu'il avait tenté de désarmer les éléments paramilitaires tenus responsables de la tuerie.

Le gouverneur du Chiapas a aussi dénoncé les critiques à son encontre en disant qu'il était temps de cesser de porter des accusations et d'oeuvrer à la réconciliation.

Quatre jours après le massacre, aucune inculpation n'avait encore été prononcée bien que 41 suspects aient été interpellés pour interrogatoire, et parmi eux des membres du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) du président Ernesto Zedillo.

"Le gouvernement (fédéral) a pris des mesures pour désarmer ces paramilitaires et faire cesser les conflits dans l'Etat. Nous nous sommes maintenus en contact permanent avec les différentes régions du Chiapas", a dit à des journalistes le ministre mexicain de l'Intérieur, Emilio Chuayffet.

Des manifestants continuent d'occuper les abords du monument de l'Ange de l'Indépendance, dans le centre de la capitale, aux cris de "Gouvernement assassin qui massacre les paysans".

Le ministre de la Justice, Jorge Madrazo Cuellar, a déclaré cette semaine que le massacre résulte d'un conflit entre villageois indiens, mais sur place, les récits vont à l'encontre de cette thèse.

"Cela va dans la logique d'une guerre larvée, avec l'armée et le gouvernement opposés aux indigènes", a dit Pablo Romo Cedano, coordinateur du Centre pour les droits de l'Homme Fray Bartolome de San Cristobal de las Casas, au Chiapas.

Déploiement militaire

D'autres disent que les dirigeants du PRI étaient mécontents de l'afflux de réfugiés indiens soupçonnés d'être des partisans de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), mouvement de guérilla qui a lancé une insurrection le 1er janvier 1994.

Le massacre de lundi est le plus meurtrier au Mexique depuis ce soulèvement qui avait fait 140 morts.

Vendredi, des véhicules militaires ont acheminé un nombre croissant de soldats dans les villages proches du lieu du massacre. Le ministre de l'Intérieur a expliqué que la présence militaire visait à prévenir de nouvelles violences.

Le gouverneur du Chiapas, Julio Cesar Ruiz Ferro, a affirmé qu'il ne démissionnerait pas et il a invité les habitants du Chiapas à régler pacifiquement leurs divergences.

La presse mexicaine a rapporté qu'un prêtre, Gonzalo Ituarte, avait appelé lundi le cabinet de Ruiz pour le prévenir, alors que le massacre venait de commencer.

Ruiz a dit à des journalistes qu'après le premier appel, son cabinet avait alerté la police de la localité voisine de Chenalho et avait reçu l'assurance que tout allait bien. Le massacre, perpétré à l'arme automatique, s'est poursuivi pendant cinq heures.

Des survivants ont rapporté que les tueurs étaient équipés de fusils AK-47 normalement réservés à l'armée.

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16 inculpations pour le massacre du Chiapas

par Timna Tanners

MEXICO, 27 décembre, Reuters - Les autorités mexicaines ont inculpés vendredi 16 paysans accusés d'avoir participé au massacre de 45 Indiens Tzotzil, lundi au Chiapas, un Etat du sud du pays, a annoncé le procureur général de la République, Jorge Madrazo Cuellar.

Les suspects ont été écroués à la prison de Tuxtla Gutierrez, à une cinquantaine de km à l'ouest du village d'Acteal, théâtre du massacre.

Un communiqué du cabinet du procureur général affirme que le massacre de lundi est l'aboutissement de plusieurs années de violentes rivalités politiques entre des familles du Chiapas.

Il évoque des conflits "au sein des communautés, des familles même, dans un contexte de lutte constante pour le pouvoir économique et politique".

"L'enquête n'est pas finie. Nous en sommes encore à la phase initiale, mais nous travaillons très rapidement (...) pour tenter de trouver tous les responsables", a dit Jorge Madrazo lors d'une conférence de presse à Mexico.

Il a déclaré qu'il continuerait d'enquêter pour déterminer comment les tueurs ont obtenu des fusils d'assaut AK-47, qui ne sont normalement fournis qu'à l'armée, et dans quelle mesure les autorités du Chiapas étaient au courant de la montée de la violence dans la région.

Le procureur général a nommé les 16 inculpés et la radio a indiqué qu'ils comparaîtraient devant un juge dans les 72 heures. Le procureur général avait dit au début de la semaine que les personnes reconnues coupables du massacre seraient passibles de cinquante ans de prison.

Version gouvernementale contestée

Jorge Madrazo Cuellar a ajouté que deux mineurs soupçonnés de participation au massacre n'avaient pas été inculpés mais avaient été confiés à un établissement pour mineurs. Vingt-quatre autres personnes interpellées aux fins d'interrogatoire pourraient être inculpées ce week-end, a-t-il encore dit.

Le cabinet du procureur général a affirmé que les conflits entre familles du Chiapas opposaient des membres du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, au pouvoir) à des membres du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche) et à des rebelles zapatistes.

Mais dans la région, des observateurs jugent cette version simpliste.

"Cela va dans la logique d'une guerre larvée, avec l'armée et le gouvernement opposés aux indigènes", a dit Pablo Romo Cedano, coordinateur du Centre pour les droits de l'Homme Fray Bartolome de San Cristobal de las Casas, au Chiapas.

D'autres disent que les dirigeants du PRI étaient mécontents de l'afflux de réfugiés indiens soupçonnés d'être des partisans de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), mouvement de guérilla qui a lancé une insurrection le 1er janvier 1994.

Le massacre de lundi est le plus meurtrier au Mexique depuis ce soulèvement qui avait fait 140 morts.

Le gouverneur du Chiapas, Julio Cesar Ruiz Ferro, a affirmé qu'il ne démissionnerait pas et il a invité les habitants du Chiapas à régler pacifiquement leurs divergences.

La presse mexicaine a rapporté qu'un prêtre, Gonzalo Ituarte, avait appelé lundi le cabinet de Ruiz pour le prévenir, alors que le massacre venait de commencer.

Ruiz a dit à des journalistes qu'après le premier appel, son cabinet avait alerté la police de la localité voisine de Chenalho et avait reçu l'assurance que tout allait bien. Le massacre, perpétré à l'arme automatique, s'est poursuivi pendant cinq heures.

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Un maire du Chiapas arrêté pour avoir fourni les armes du massac

par Timna Tanners

MEXICO, 27 décembre, Reuters - Le maire d'un village du Chiapas, dirigeant local du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) du président Ernesto Zedillo, a été arrêté samedi pour avoir fourni les fusils d'assaut qui ont servi au massacre, lundi dernier, de 45 Indiens Tzotzils.

Le procureur général adjoint du Mexique, Jose Luis Ramos, a déclaré que plusieurs des agresseurs présumés avaient accusé le maire de Chenalho, Jacinto Arias Cruz, de leur avoir fourni des armes automatiques.

"Les cinq témoignages retenus contre lui émanaient précisément du groupe de personnes identifiées comme les agresseurs par les victimes et par des témoins", a-t-il dit lors d'une conférence de presse à Tuxtla Gutierrez, capitale de l'Etat du Chiapas, dans le sud du Mexique.

Le maire affirme en revanche qu'il ne connaissait pas les tueurs jusqu'au lendemain du massacre. Arias a été nommé maire de Chenalho par le PRI en remplacement d'un maire PRI élu en 1995.

La famille d'Arias et deux autres familles se disputent depuis des générations le contrôle de villages indiens du Chiapas, selon le Parquet.

Au total, 24 personnes ont été inculpées de participation au massacre. Elles seront jugées dans les trois jours, conformément à la loi mexicaine.

Ramos a affirmé que l'enquête se poursuivrait jusqu'à ce que toute la lumière ait été faite sur la tragédie.

L'annonce des inculpations est intervenue peu après la publication d'une déclaration de dirigeants PRI du Chiapas affirmant que "les véritables membres du PRI sont ceux qui pratiquent une politique conforme à la loi et suivent les documents fondamentaux du parti".

"Dès lors, ceux qui se mettent en marge de la loi se mettent aussi en marge du parti", dit la déclaration de Juan Carlos Gomez, chef du PRI au Chiapas.

Les autorités ont présenté la tuerie comme le résultat d'anciennes rivalités entre familles.

Mais des observateurs locaux jugent cette explication simpliste et estiment qu'elle laisse sans réponse de nombreuses questions telle que celle de savoir comment les tueurs ont pu se procurer des armes réservées à l'usage exclusif de l'armée.

Selon certaines informations, les dirigeants locaux du PRI étaient mécontents de l'afflux de réfugiés indiens soupçonnés de soutenir l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), mouvement à l'origine d'un soulèvement contre le gouvernement, le 1er janvier 1994.

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Le dimanche 28 décembre 1997,

Les Indiens du Chiapas craignent de nouveaux massacres

par Jesus Ramirez

POLHO (Mexique), 28 décembre, Reuters - Des milliers d'Indiens Tzotzil ont fui leurs villages, dans l'Etat mexicain du Chiapas, pour se réfugier près de Polho, par crainte de nouveaux massacres, ont déclaré dimanche les autorités locales.

Quarante cinq Indiens Tzotzil ont été tués lundi dernier dans un camp de réfugiés du village d'Acteal, dans l'Etat méridional du Chiapas. Les agresseurs, des éléments paramilitaires masqués, ont tué 10 hommes, 21 femmes et 14 enfants.

"Les paramilitaires sont toujours armés dans nos villages. Nous sommes partis parce que nous avons peur qu'ils nous tuent comme les autres", déclare Manuel Perez, 28 ans, qui a fui son village avec son épouse et ses trois enfants.

"Quelque 3.500 personnes se sont réfugiées samedi à Polho car elles ont peur d'être attaquées", a précisé Mireille Rocatti, présidente de la Commission nationale des droits de l'Homme.

Selon Domingo Perez Paciencia, président du conseil autonome indien de Chenalho, plus de 8.000 Indiens ont trouvé refuge à Polho. "Ce sont des camarades, qui soutiennent l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN). Ils fuient des éléments armés qui les ont menacés", a-t-il dit à Reuters.

Les réfugiés se sont installés sous des tentes de fortune faites de plastique et de branchages ou dans des écoles. La Croix-Rouge leur a distribué des vivres mais les Indiens réclament des couvertures, des vêtements et des médicaments: la pluie et le froid sévissent actuellement au Mexique.

Une vingtaine de personnes ont d'ores et déjà été inculpées dans le cadre de l'enquête sur le massacre d'Acteal et le maire de Chenalho, dirigeant local du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au pouvoir, a été arrêté samedi pour complicité présumée avec les tueurs. Il leur auraient fourni des fusils d'assaut. Ces interpellations n'ont pas suffi à rassurer les réfugiés, qui affirment que d'autres agresseurs se cachent dans les montagnes.

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Le mardi 30 décembre 1997,

Mexique-Premières inculpations après le massacre du Chiapas

par Caroline Brothers

SAN CRISTOBAL DE LAS CASAS, 30 décembre, Reuters - Alors que des Indiens continuent de fuir leurs villages du Chiapas une semaine après le massacre de 45 des leurs, le gouvernement mexicain a inculpé lundi 16 hommes en liaison avec la tuerie tout en défendant son action face aux critiques dont il est la cible.

Le parquet général a annoncé lundi soir que les seize suspects étaient placés en détention au Chiapas dans l'attente d'un procès centré sur le massacre perpétré le 22 décembre au village d'Acteal. Tous les prévenus sont inculpés de meurtres, dommages corporels graves et possession d'armes à feu.

Au même moment, 4.000 Indiens redoutant une répétition de l'attaque étaient en marche dans l'Etat méridional, laissant derrière eux leurs maigres moyens de subsistance, ont rapporté des dirigeants de leur communauté.

"Ils sont menacés de mort", a déclaré Patricia Jiminez, députée du Parti de la révolution démocratique (PRD, opposition) au parlement fédéral. Le PRD encourage les Indiens à quitter les secteurs non protégés.

Beaucoup de ces Indiens viennent de localités qui apportaient un soutien au mouvement rebelle zapatiste qui milite pour les droits politiques et économiques des Indiens.

Les dirigeants indiens estiment que les groupes paramilitaires opérant au Chiapas sont composés d'hommes de main au service du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au pouvoir à Mexico, lequel se montre réfractaire aux revendications des zapatistes.

Des procureurs fédéraux chargés de l'enquête ont accusé le maire de la localité de Chenalho, membre du PRI, d'avoir fourni les fusils d'assaut qui ont servi aux tueurs.

Six blessés découverts une semaine après

Au total, quarante personnes - dont plusieurs sont liées aux dirigeants locaux du PRI - ont été arrêtées pour homicide ou association de malfaiteurs. Les représentants du PRI au niveau national nient tout lien avec cette affaire.

Le massacre des 45 Indiens Tzotzils, dont 39 étaient des femmes et des enfants, a soulevé un mouvement d'indignation à travers le monde avant Noël. Le pape Jean Paul II et le président américain Bill Clinton sont au nombre des dirigeants qui l'ont condamné.

Dimanche, le nombre des blessés du 22 décembre est passé à 31 après la découverte de six personnes touchées par balles qui étaient restées cachées pendant une semaine.

Le ministre mexicain de l'Intérieur Emilio Chuayffet, chargé de la sécurité intérieure, s'est défendu lundi face aux critiques adressées au gouvernement, accusé d'avoir agi trop peu et trop lentement pour désamorcer les tensions dans la région.

Lors d'une interview télévisée, Chuayffet a dit que les autorités étaient certes averties de la situation générale au Chiapas, mais que rien ne leur avait laissé prévoir un événement comme celui d'Acteal.

"Il y a des conflits à l'intérieur de la communauté et entre des familles", a-t-il déclaré. "Dans le cas de Chenalho, trois familles se disputent le pouvoir politique et économique (...) Il faut analyser ces éléments pour comprendre le conflit."

La présence de l'armée a été renforcée au Chiapas, où ont été dépêchés des soldats stationnés dans les Etats voisins du Yucatan et de Campeche. Les militaires ont établi des barrages sur les axes routiers de la région afin de saisir les armes en circulation.

Photo AFP

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Près de 6.000 Indiens tzotziles ont fui les paramilitaires du Chiapas

par André Birukoff

POLHO (Mexique), 30 déc (AFP) - Le massacre de 45 Indiens, la semaine dernière au Chiapas, a provoqué un début d'exode de près de 6.000 Indiens qui, fuyant les paramilitaires, se sont réfugiés dans des villages d'une effrayante pauvreté que surveille l'armée, désormais omniprésente.

A Polho, à une cinquantaine de Km au nord est de San Cristobal (une des principales villes du Chiapas à 1.200 km au sud-est de Mexico), en trois jours sont arrivés 5.200 Indiens, dont 2.400 sympathisants zapatistes, démunis de tout et souffrant pour la plupart de diarrhée, de toux ou de problèmes respiratoires.

En tout, depuis le massacre de 45 Indiens sauvagement abattus mardi dernier à Acteal, près de San Cristobal, par un commando paramilitaire lié au Parti Institutionnel Révolutionnaire (PRI, au pouvoir depuis 68 ans), quelque 6.000 Indiens ont trouvé refuge dans des villages controlés par la guerilla de l'EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale), dirigée par le sous-commandant Marcos.

Faute de soin et d'aide deux enfants en bas age, l'un de moins d'un mois l'autre d'à peine un peu plus, sont morts à Polho au cours des deux derniers jours tandis que médicaments et produits de première nécessité font cruellement défaut.

Installés sous des bâches tendues à la va-vite, vêtus de loques, sans chaussures, les refugés ne reçoivent pratiquement pour le moment que l'aide bénévole d'une orgnisation civile "la Caravane mexicaine" crée en 1994 lors de l'apparition au Chiapas du mouvement de guerilla zapatiste.

Dans les sentiers boueux du village de Polho, accrochée à la montagne et surplombant une profonde vallée dans un paysage d'une rare beauté, errent des enfants à peine vêtus, pieds nus, de la boue jusqu'au chevilles.

Sur une route, au dessus du village, une cinquantaine de militaires ont pris position et installé des tentes de campagne en contrebas.

"Nous ne savons pas pourquoi ils sont là. Nous ne leur parlons pas. Ils sont fortement armés et tout le monde à peur", signale à l'AFP Luciano, un sympathisant zapatiste.

"Les soldats ont apporté de l'aide mais les réfugiés ne l'ont pas accepté. Ils se méfient. L'aide des militaires ne sert à rien", ajoute-t-il.

Selon Carmen Fuentes, une bénévole travaillant à Polho, la méfiance des Indiens envers les militaires est facile à comprendre.

"A chaque fois que les paramilitaires attaquent, la police ou l'armée sont là pour les protéger", explique-t-elle. "C'est l'armée elle-même qui a entrainé les paramilitaires", affirme-t-elle.

Les paramilitaires, formés principalement d'Indiens chômeurs de 16 à 20 ans reçoivent de leurs chefs, selon Carmen Fuentes, "500 pesos (environ 60 dollars) une bouteille d'aguardiente, et une arme. "Ainsi, ajoute-t-elle, ils acquèrent un statut dans la communauté : ils ont de l'argent et une arme, donc ils ont le pouvoir".

Selon Luciano, les groupes paramilitaires datent de l'apparition de la guerilla zapatiste en 1994.

"Le maire de Chenalho, Jacinto Arias Cruz, a organisé les paramilitaires pour châtier ou éliminer les zapatistes dans chaque communauté tzotzile", explique-t-il. Il ajoute : "le problème est essentiellement politique : le PRI d'un côté, les zapatistes de l'autre".

Jacinto Arias Cruz, le maire de Chenalo dont dépend le village d'Acteal, a été arrêté samedi, accusé d'avoir fourni les armes du massacre de 45 Indiens.

A quelques kilomètres de Polho, au village de Pechiquil, d'autres Indiens tzotziles ont une vision très différente de la situation.

"Tout ce qui passe maintenant est de la faute des zapatistes. Pour que revienne le calme, il faut les désarmer", estime Agustin Jimenez, 43 ans, un agriculteur, membre du PRI, tzotzile lui aussi.

"La présence de l'armée est souhaitable. Les soldats nous donnent des médicaments et de la nourriture. Sans l'armée nous ne pouvons sortir car les zapatistes nous contrôlent et nous avons peur. Avec l'armée nous sommes tranquilles", ajoute-t-il.

Une semaine après le massacre d'Acteal et même si 16 personnes ont été inculpées, la situation reste toujours explosive. L'armée a été mise en "alerte maximum" et quelque 2.000 soldats ont été déployés dans la région. mm tf

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