Le mardi
13 janvier 1998,
La
tension s'aggrave au Chiapas où la police tire sur
des Zapatistes
André BIRUKOFF
MEXICO, 13 jan (AFP) - Près de trois semaines
après le massacre dans la région du Chiapas
(sud) de 45 Indiens par des paramilitaires, la tension s'est
brusquement aggravée lundi quand la police a ouvert
le feu, à Ocosingo, dans cette même
région, contre des manifestants zapatistes, faisant
trois blessés.
La police de cette localité, située
près de San Cristobal (à 1200 km au sud-est de
la capitale) a ouvert le feu contre des manifestants
zapatistes, réunis à l'appel du leader de la
rébellion de l'Armée Zapatiste de
Libération Nationale (EZLN), le sous-commandant
Marcos, pour protester contre le massacre le 22
décembre dernier des 45 Indiens tzotziles à
Acteal (à quelque 50 km de San Cristobal).
Selon un porte parole de la municipalité
d'Ocosingo, trois personnes, un homme, une femme et enfant
ont été blessés, la femme ayant
été gravement touchée. La police a
ouvert le feu quand les manifestants ont lancé des
pierres en direction des forces de l'ordre, dont ils
réclamaient le départ.
Même si, selon le porte parole de la
municipalité d'Ocosingo, le calme était revenu
dans la ville en fin d'après-midi, l'intervention
musclé de la police dans cette localité
risquait, selon les observateurs, de tendre encore la
situation au Chiapas.
Depuis le massacre d'Acteal, c'est la première
fois que la police ouvre le feu sur des sympathisants
zapatistes tandis que de son côté
l'armée a considérablement renforcé sa
présence dans la région, ses effectifs
étant actuellement évalués à
quelque 30.000 hommes.
Les heurts d'Ocosingo sont intervenus alors que des
manifestations de protestation contre le massacre d'Acteal
étaient également prévues lundi soir
dans plusieurs villes du Mexique et en particulier dans la
capitale.
A Mexico, la manifestation devait commencer en fin de
soirée (heure locale) et les protestataires devaient
se rendre de l'"Ange de l'Indépendance", monument
célébrant l'indépendance du Mexique,
situé sur l'une des principales artères de la
capitale, jusqu'au "Zocalo", le centre historique, face au
Palais présidentiel. Plusieurs dizaines de milliers
de personnes étaient attendues dans les rues du
centre de la ville, à l'appel de nombreuses
organisations et partis d'opposition.
Le nouveau ministre de l'Intérieur, Francisco
Labastida, qui n'a pas écarté la
possibilité d'une rencontre avec le sous-commandant
Marcos, devait de son côté présenter
dans la soirée un nouveau plan en vue du
réglement politique du conflit au Chiapas.
Cette nouvelle initiative du gouvernement ferait suite
à un appel du principal médiateur entre les
autorités et la guérilla du Chiapas, Mgr
Samuel Ruiz, en faveur d'un arrêt des
opérations militaires dans la région.
L'intervention de la police à Oconsingo a
coïncidé d'autre part avec la diffusion d'un
communiqué du sous-commandant Marcos, dans lequel le
chef de la guérilla accuse le gouvernement de
"poursuivre sa stratégie de mensonges, trahisons et
assassinats" après le massacre d'Acteal.
Ocosingo avait été lors de l'apparition de
l'EZLN le 1er janvier 1994 le théatre de
sérieux affrontements entre l'armée et les
guérilleros zapatistes, avec un bilan de plusieurs
dizaines de morts (bien: plusieurs dizaines).
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Le
pouvoir du président Zedillo soumis à la
pression de la rue
André BIRUKOFF
MEXICO, 13 jan (AFP) - Le gouvernement du
président Ernesto Zedillo a subi lundi soir la
pression de la rue avec plus de 100.000 manifestants
défilant dans le centre de Mexico pour protester
contre le massacre de 45 Indiens au Chiapas (sud du pays) et
critiquer vivement la politique des autorités.
Ce rassemblement, le premier organisé dans la
capitale depuis le massacre d'Acteal près de San
Cristobal (à 1.200 km au sud-est de Mexico) il y a
près de trois semaine a été, selon les
observateurs, l'un des plus importants depuis l'apparition
au Chiapas le 1er janvier 1994 de la guerilla de l'EZLN
(Armée Zapatiste de Libération Nationale).
Il est intervenu alors qu'au Chiapas la tension s'est
considérablement aggravée la police ayant
mortellement blessé une Indienne et blessé
deux autres personnes dont un enfant, en tirant sur des
manifestants zapatistes, réunis à Ocosingo
(près de San Cristobal) à l'appel du chef
suprême de la guérilla, le sous-commandant
Marcos.
Quelque heures après, 100.000 personnes, selon les
organisateurs de la manifestation, ont défilé
dans la centre de Mexico réclamant la fin de la
présence militaire au Chiapas, et la reprise du
dialogue entre les autorités et les zapatistes,
interrompu depuis plus d'un an.
Au cri de "Zedillo assassin de femmes et d'enfants" un
flot de manifestants rarement vu dans la capitale et
reprenant en coeur le slogan zapatiste "Ya basta!"
(maintenant ça suffit) ont défilé
pendant plus de quatre heures pour se réunir en fin
de manifestation sur la place du "Zocalo", le centre
historique de Mexico, face au Palais présidentiel.
Les protestataires, parmi lesquels des Indiens,
très applaudis par les passants, tenaient des cierges
et des fleurs tandis que d'autres brandissaient des
pancartes critiquant vivement l'action du gouvernement au
Chiapas.
De nombreux manifestants agitaient aussi les drapeaux
jaunes frappés du soleil noir aztèque du
principal parti de l'opposition de gauche, le Parti de la
Révolution Démocratique, formation à
laquelle appartient le nouveau gouverneur de la capitale,
Cuauhtémoc Cardenas.
Des manifestations du même genre ont eu lieu dans
plusieurs villes de provinces, et notamment à Puebla
(120 km à l'est de Mexico) et à Veracruz, le
grand port du Golfe du Mexique (à quelque 400 km au
nord-est de la capitale).
Depuis le massacre d'Acteal, attribué à des
paramilitaires liés au Parti Révolutionnaire
Institutionnel (PRI, au pouvoir depuis près de 70
ans), c'est la première fois que les autorités
se trouvent ainsi directement interpellés par la
population pour n'avoir pas réussi en quatre ans
à résoudre le problème du Chiapas.
Les diverses manifestations de lundi, selon les
analystes, représentent un soutien apréciable
pour le sous-commandant Marcos au moment où ses
guérilleros sont entièrement encerclés
par l'armée dont les effectifs sont actuellement
évalués au Chiapas à quelque 30.000
hommes.
Les rassemblements sont intervenus alors que le nouveau
ministre de l'Intérieur, Francisco Labastida, a
annoncé la nomination d'un nouveau coordinateur pour
le dialogue avec les rebelles, Emilio Rabassa Gamboa en
remplacement de Pedro Joaquin Coldwell.
M. Labastida, aussitôt après sa prise de
fonction il y a dix jours, n'avait pas écarté
l'éventualité d'un face à face avec le
sous-commandant Marcos.
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Tirs
contre des manifestants au Chiapas, un mort
OCOSINGO (Mexique), 12 janvier, Reuters - La police
mexicaine a ouvert le feu contre des manifestants qui
jetaient des pierres, lundi au Chiapas, tuant une femme et
blessant sa fillette de trois ans. * Les autorités
fédérales ont immédiatement
ordonné une enquête de l'armée et des
soldats ont arrêté un responsable de la police
et 26 de ses hommes.
Les violences ont éclaté à Ocosingo,
une petite ville à 800 km au sud-est de Mexico, au
cours d'une journée internationale de protestation
contre le massacre, la semaine de Noël au Chiapas, de
45 réfugiés indiens par des unités
paramilitaires.
Des dizaines de milliers de manifestants ont envahi le
boulevard principal de Mexico pour condamner le massacre du
22 décembre.
Des manifestations plus petites se sont
déroulées en Espagne, en Italie et en Suisse.
Le même jour, le gouvernement mexicain a
limogé son négociateur en chef au Chiapas,
Pedro Joaquin Coldwell, auquel ses supérieurs
reprochent d'avoir déclaré ce week-end que le
gouvernement est "dépassé" par les
événements au Chiapas et que le massacre du 22
décembre relève d'une crise nationale et non
d'un simple accrochage local.
Un technocrate du Parti révolutionnaire
institutionnel (PRI, au pouvoir), Emilio Rabasa, sera
chargé de le remplacer pour relancer les
négociations avec les rebelles zapatistes, dans
l'impasse depuis septembre 1996, a annoncé le
ministre de l'Intérieur, Francisco Labastida.
Un grand nombre des 46 suspects arrêtés dans
le cadre de l'enquête sur le massacre appartiennent au
PRI.
Le gouverneur du Chiapas, Julio Cesar Ruiz, accusé
d'avoir été courant du projet de massacre et
de n'avoir rien fait pour le prévenir, a
démissionné récemment, tout comme le
prédécesseur de Labastida à
l'Intérieur, Julio Cesar Ruiz.
Un film tourné lundi à Ocosingo par la
chaîne de télévision TV Azteca montre un
camion transportant des agents de la sécurité
de l'Etat du Chiapas bombardé de pierres par des
manifestants.
Les agents ont d'abord tiré en l'air et ont
tenté de fuir à bord de leur camion. Mais
alors que les pierres continuaient de pleuvoir, ils ont
tiré sur le petit groupe de manifestants, tuant une
femme du nom de Guadalupe Mendez, touchée au ventre,
et blessant sa petite fille, a dit à Reuters un
porte-parole de la ville d'Ocosingo.
Une troisième personne non identifiée a
été touchée et blessée.
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Des
zapatistes réclament le châtiment des policiers
qui ont tiré à Ocosingo
Antonio ORTEGA
OCOSINGO (Mexique), 13 jan (AFP) - Plus de 1.00O Indiens,
sympathisants zapatistes, ont manifesté mardi
à Ocosingo, près de San Cristobal (1.200 km au
sud-est de Mexico), pour réclamer le châtiment
des policiers qui ont tiré la veille sur des
manifestants, tuant une Indienne de 25 ans.
Venus de divers villages contrôlées par la
guérilla de l'Armée Zapatiste de
Libération Nationale (EZLN) du "sous-commandant"
Marcos, les manifestants ont également
réclamé l'arrêt des contrôles
militaires dans leurs villages.
La veille, lors d'une manifestation organisée
à l'appel du "sous-commandant" Marcos, la police a
ouvert le feu sur quelque 500 protestataires zapatistes qui
avaient lancé des pierres contre les forces de
l'ordre.
Les manifestants protestaient contre le massacre le 22
décembre dernier de 45 Indiens tzotziles à
Acteal, près de San Cristobal, par des paramilitaires
liés au Parti Révolutionnaire Institutionnel
(PRI, au pouvoir depuis près de 70 ans).
Une Indienne de 25 ans, Guadalupe Mendez, a
été tuée d'une balle dans l'estomac,
tandis qu'une fillette et un homme ont été
blessés.
Aussitôt après, l'armée mexicaine a
arrêté 27 policiers, dont un officier, pour
avoir réprimé sans ménagement la
manifestation pro-zapatiste.
Des sympathisants zapatistes devaient organiser dans la
journée de lundi une caravane jusqu'à
Altamirano, un autre village contrôlé par
l'EZLN à une dizaine de km au sud d'Ocosingo,
où devait être enterrée Guadalupe
Mendez.
De son côté, le conseil municipal
d'Ocosingo, formé de représentants de divers
partis, a envoyé une lettre au nouveau ministre de
l'Intérieur, Francisco Labastida, lui demandant de
châtier "ceux qui ont tiré avec des armes de
gros calibre contre des manifestants qui avaient seulement
demandé aux policiers de retirer un poste de
contrôle".
"La police doit retirer immédiatement ses
effectifs qui, loin de protéger la population, la
menacent et l'agressent", a ajouté le conseil
municipal. Il a exigé que "l'armée mette fin
à ses perquisitions dans les villages indiens, ces
opérations créant un climat de tension au sein
de la population qui sympathise avec la guérilla".
Les autorités d'Ocosingo ont également
demandé au gouvernement de "démanteler les
groupes paramilitaires et d'enquêter sur ceux qui les
ont créés".
L'intervention musclée de la police, lundi
à Ocosingo, a considérablement accru la
tension au Chiapas où, depuis le massacre d'Acteal,
l'armée, qui dispose d'environ 30.000 hommes dans la
région, a encerclé la guérilla du
"sous-commandant" Marcos.
Quelques heures après la manifestation d'Ocosingo,
plus de 100.000 personnes ont défilé dans le
centre de Mexico, protestant contre la tuerie d'Acteal et
critiquant la politique du gouvernement au Chiapas.
Les négociations entre les autorités et les
zapatistes sont interrompues depuis plus d'un an, le
gouvernement refusant d'accéder à une demande
de la guérilla d'obtenir l'autonomie pour les
populations indiennes du Chiapas.
Le rassemblement de Mexico, considéré comme
un soutien important au mouvement du "sous-commandant"
Marcos, a été, selon les observateurs, l'un
des plus importants jamais réalisés depuis le
début du conflit en janvier 1994.
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